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Climber in Patagonia, with rock spire behind

L’ABC du trad

L’escalade traditionnelle, ou le « trad », s’inscrit dans une tradition qui remonte aux premiers jours de l’escalade. Cette discipline requiert un haut niveau d’expérience, de même que des connaissances relatives aux types de protection les mieux adaptés aux différents types de roche.

Découvrez ce qu’est l’escalade traditionnelle et le matériel vous aurez besoin pour pratiquer cette discipline, en plus d’obtenir quelques conseils pour commencer du bon pied.

Avant de plonger dans le vif du sujet : Cet article ne remplace pas l’apprentissage auprès d’un instructeur professionnel. Le trad est un sport extrêmement sérieux qui peut présenter de graves dangers s’il n’est pas pratiqué correctement et en toute sécurité. Il est important d’apprendre les techniques d’escalade traditionnelle en personne, auprès d’un professionnel qualifié. Par où commencer? Vous pouvez trouver des cours par l’entremise du Club alpin du Canada; ces formations sont données par des guides certifiés par l’Association canadienne des guides de montagne. Au Québec, vous pouvez chercher un instructeur certifié par la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME).

Qu’est-ce que l’escalade traditionnelle?

Les grimpeurs qui progressent en trad doivent placer des protections (aussi appelées « pros ») dans des fissures naturelles et des aspérités du rocher pour freiner leur chute en cas de besoin. Ils doivent transporter et placer leur propre matériel de protection, et ont très rarement accès à des plaquettes préinstallées sur la voie. À la fin d’une longueur, le matériel est retiré par un autre grimpeur qui seconde la voie en moulinette, ou par le premier de cordée lorsqu’il redescend. Ce type d’escalade met l’accent sur l’autonomie, l’habileté technique et une compréhension intime de la roche.

Les différences entre le trad et l’escalade sportive

La plupart des grimpeurs d’escalade traditionnelle ont commencé par l’escalade sportive, c’est-à-dire l’ascension de voies équipées de plaquettes préinstallées à intervalles réguliers qui servent de protection. Le grimpeur place des dégaines dans les plaquettes au fur et à mesure qu’il progresse sur la paroi, ce qui minimise les conséquences d’une chute et lui permet de se concentrer sur la gestuelle et les mouvements techniques de la voie. L’escalade sportive est très répandue dans les salles d’escalade intérieure, de même que dans les secteurs d’escalade sportive à l’extérieur.

Cette discipline met davantage l’accent sur les aspects physiques et techniques de l’escalade, tandis que le trad est fondé sur l’autonomie en matière de protection. Il est souvent plus simple de commencer par l’escalade sportive, puisque les plaquettes fixes facilitent la protection en cas de chute et permettent l’ascension de voies plus difficiles.

Les différences entre le trad et l’escalade artificielle

Tout d’abord, une brève introduction. En escalade de rocher/libre, le grimpeur progresse en se servant uniquement de son corps en contact avec la roche; l’escalade traditionnelle entre dans cette catégorie. En escalade artificielle, le grimpeur utilise son matériel pour se hisser, et pas uniquement son corps. Il peut se servir notamment d’un ascendeur et d’étriers pour progresser sur des parois verticales ou déversantes. L’escalade artificielle, l’« artif », est souvent utilisée lorsque le rocher est trop difficile à escalader en libre, même pour les meilleurs grimpeurs.

Contrairement au trad et à l’escalade sportive, l’artif ne repose pas sur la capacité physique du grimpeur à exécuter les mouvements sur la roche. L’escalade artificielle est souvent utilisée sur des grandes voies, lorsque les grimpeurs passent plusieurs jours à escalader d’immenses parois rocheuses.

Une voie d’escalade artificielle peut parfois être grimpée en libre (à ne pas confondre avec le solo). La première ascension en libre du Nose sur El Cap par Lynn Hill en 1993 en est un exemple. C’était une voie d’artif difficile, mais qui est rapidement devenue l’une des grandes voies les plus légendaires du monde après sa première ascension en libre.

Climber wearing a yellow jacket and black helmet with ropes and quickdraws

Matériel requis pour la pratique de l’escalade traditionnelle

Pour commencer en escalade traditionnelle, vous devez vous constituer un rack, c’est-à-dire une collection de toutes les différentes protections que vous utiliserez. Ce que vous placerez sur votre harnais dépendra du secteur où vous grimpez, du type de roche, ainsi que de la longueur et de la difficulté des voies. Les guides (ou « topos ») fournissent généralement de l’information sur le type de protection à avoir sous la main pour la plupart des voies qui y sont présentées. Par exemple, un topo peut préciser que vous aurez besoin d’un « rack simple », en plus de quelques tailles en double en fonction de la largeur des fissures du secteur.

Par exemple, un ensemble typique de protections pour grimper des fissures de granit, comme celles de Squamish, inclurait :

  • Des coinceurs passifs (nuts)

  • Des coinceurs mécaniques

  • D’autres types de protections

Coinceurs

Les coinceurs de type « nut » sont des protections dites « passives ». Elles coûtent moins cher, en plus d’être légères et faciles à transporter sur un harnais. Cependant, elles ne conviennent pas aux fissures en tout genre, alors leur utilisation est plus limitée. Vous pouvez acheter un jeu standard de coinceurs souvent composé d’une dizaine de coinceurs, ce qui couvrira les fissures de presque toutes les dimensions.

Aussi, il faut savoir que ces coinceurs peuvent parfois rester pris dans la fissure – surtout s’ils ont servi à retenir une chute – alors mieux vaut conserver un décoinceur sur votre harnais pour vous aider à les retirer après votre ascension. Vous pouvez acheter des coinceurs munis d’une sangle ou vous en fabriquer une au moyen d’une cordelette de 5 mm pour vous éviter de les échapper.

Coinceurs mécaniques

Les coinceurs mécaniques sont des protections dites « actives ». Ils sont plus lourds et plus coûteux, mais se placent généralement plus facilement dans les fissures aux parois parallèles sans étranglement. Ils conviendront à plus de situations que les coinceurs passifs, et sont généralement plus rapides à placer (en prenant soin d’avoir le bon angle de came, bien sûr).

Règle générale, vous devez avoir suffisamment de coinceurs mécaniques pour couvrir les fissures d’une largeur variant entre 0,3 et 3,5 pouces. Pour les fissures plus étroites, les coinceurs mécaniques minces conçus spécifiquement pour les petites ouvertures et les cicatrices de piton, comme le Zero de Wild Country et le Z4 de Black Diamond, sont recommandés puisque vous aurez plus de facilité à les insérer. Pour tout le reste, jusqu’à une largeur de 4 pouces (ce qui se rapproche de l’escalade « offwidth », un tout autre sujet), les coinceurs mécaniques standards – tels que les Camalot de Black Diamond – fonctionnent très bien. Le nombre de coinceurs que vous devrez avoir en double variera selon la longueur des voies et la constance des fissures. Par exemple, à Squamish, il n’est pas rare de devoir doubler, voire tripler, le nombre de coinceurs de tailles 0,75 et 1. Toutefois, dans des endroits comme Indian Creek, où les fissures sont d’une largeur constante, vous pourriez avoir à transporter quatre coinceurs mécaniques ou plus de la même taille.

Autres types de protections

Il y a tout un monde de protections aux formes originales : coinceurs excentriques, Tricam, coinceurs tubulaires Big Bro, coinceurs à came décalée, etc. Généralement, ce matériel spécialisé est conçu pour grimper des voies d’escalade traditionnelle moins populaires. Les débutants n’ont pas à se procurer ces types de coinceurs avant d’en avoir réellement besoin.

Conseils et trucs pour l’escalade traditionnelle

Nous vous rappelons qu’il est extrêmement important de suivre une formation auprès d’un instructeur qualifié. Le placement sécuritaire du matériel de trad est un aspect essentiel de la discipline, et il ne peut être enseigné dans un article. Ceci dit, voici quelques éléments auxquels vous devez songer avant de vous lancer dans l’aventure de l’escalade traditionnelle :

Allez-y doucement

Il est important de commencer par des voies que vous pouvez grimper facilement sans tomber. L’aspect mental de l’escalade traditionnelle peut également avoir une grande incidence sur votre confiance. Si vous grimpez 5.10b en moulinette, envisagez de commencer par des voies de trad que vous avez déjà grimpées en moulinette et dans lesquelles vous êtes à l’aise, ou par une 5.7 en premier de cordée (votre instructeur pourra vous offrir quelques choix).

Pratiquez-vous en moulinette

Vous pouvez apprendre à placer des coinceurs de façon sécuritaire avec un ami ou un mentor expérimenté qui grimpe une voie en premier de cordée et vous installe une moulinette, ou en installant une moulinette du haut de la paroi. Ainsi, vous pourrez vous pratiquer à placer du matériel avec une deuxième corde, ou en utilisant l’autre brin de la même corde pendant que vous êtes encore en moulinette. Une fois que vous avez placé vos coinceurs, le grimpeur expérimenté peut déséquiper la voie, commenter vos placements, et vous offrir une rétroaction dans un environnement sécuritaire. Si c’est la toute première fois que vous placez des coinceurs, vous pouvez vous pratiquer à la base de la voie avant même de commencer à grimper.

Apprenez à gérer la friction

Un autre facteur à prendre en considération lorsque vous placez vos coinceurs : la gestion de la friction. Idéalement, vos protections doivent être alignées pour que la corde trace une ligne aussi droite que possible, sans trop zigzaguer. Quels sont les meilleurs outils pour y parvenir? Utilisez des dégaines extensibles, composées de deux mousquetons et d’une sangle de 60 ou 120 cm.

Attention à l’effet de glissière

La plupart des coinceurs peuvent résister à une force exercée vers le bas, ce qui se produit lorsque la corde est bien gérée et qu’elle ne zigzague pas. Mais si des problèmes surviennent, vous risquez de voir vos coinceurs « dézipper » (les protections se détachent l’une après l’autre) et faire une longue chute dangereuse. Cet effet de glissière tant redouté peut être causé par des forces exercées vers le haut sur des coinceurs passifs ou par des forces multidirectionnelles exercées par une corde qui zigzague, et c’est une autre raison pour laquelle vous devez apprendre à placer des protections aussi solidement que possible avec un guide ou un instructeur.

Au fur et à mesure que vous gagnez en expérience, vous pouvez envisager de vous procurer une corde à double (ou demi-cordes) pour grimper des voies qui zigzaguent ou faire de longs rappels : deux cordes minces de 60 m que vous placez en alternance dans les mousquetons pendant votre ascension, ce qui minimise la friction et vous permet de faire des rappels pleine longueur.

Agencez vos couleurs

Nous ne parlons pas ici d’agencer la couleur de votre pantalon à celle de votre harnais, bien que cela puisse être agréable aussi. Pour trouver rapidement le bon coinceur mécanique sur la boucle porte-matériel de votre harnais, attachez-le à un mousqueton de la même couleur, de sorte que la prochaine fois que vous cherchez votre coinceur mécanique C4 rouge (taille 1) de Black Diamond, vous pourrez le repérer facilement plutôt que de chercher parmi toutes les tailles.

Climber wearing a yellow jacket and white helmet near a rock spire

Techniques de progression en trad

En escalade sportive, on doit souvent tenir des prises comme des réglettes ou des plats et grimper « de face » sur la paroi. Mais en escalade traditionnelle – en particulier dans des fissures –, on doit utiliser une tout autre gamme de techniques d’escalade. Par exemple, lorsque vous grimpez une fissure, vous devez coincer différentes parties de votre corps dans l’ouverture pour progresser. Les coincements de main sont courants dans ce que les grimpeurs appellent parfois des « fissures à main » (hand-sized cracks en anglais). Certains grimpeurs choisissent de se protéger le dos de la main contre l’abrasion avec du ruban ou des gants spéciaux. Parmi les autres techniques, citons les coincements de poings, les verrous de doigts, les ringlocks.

De façon similaire, les grimpeurs ont parfois besoin de coincer leurs pieds à l’intérieur de la fissure pour progresser – une technique qu’on appelle « coincement de pied » (ou « coincement d’orteils » dans une fissure très étroite). Il existe des chaussons spécialisés qui peuvent faciliter ce type de mouvement dans les fissures. Ils sont généralement plus rigides, en plus de comporter une couche de caoutchouc qui couvre vos petits orteils. Certains ont une tige haute pour mieux protéger les chevilles.

Photos prises par Bradford McArthur à Frey, en Patagonie, dans le cadre d'une expédition d'escalade soutenue par MEC.